C’était il y a quelques années. J’ai découvert un livre de grande qualité, "le lien" de Vanessa
Duriez.
Jeune étudiante à la beauté sauvage, à la passion exacerbée, elle reste une figure emblématique, sorte
d’étoile filante du monde SM. Son seul et unique
ouvrage « le lien », retrace son entrée en esclavage. Jeune femme, presque une ado, à peine sortie de l’enfance. Elle décrit sa fascination pour cet univers sourd qu’est le sm, son
adoration pour son Maître, sa reconnaissance pour certaines figures emblématiques, dont cet homme discret que dans le milieu nous nommons
PLS. Un univers un ouvrage qui a souvent bercé mon
imaginaire de femme, où la beauté vous saute au visage. De cette phrase que j’ai fait mienne « il n’y a rien de plus grandissant que de franchir ses tabous », Vanessa a souvent été ma
compagne fantôme.
J’avais découvert cet ouvrage il y a presque 12 ans lorsque mes premières pulsions voyaient le
jour.
Aujourd’hui mon regard sur le monde sm n’est plus un regard bienveillant. Mes chimères sont mortes,
enterrées à tout jamais, noyées derrière pas mal de retours à la réalité dans une sphère hyper lucide où le concret de ces jeux et leur matérialité dans leur expression la plus
sordide a pris le pas sur la réalité.
Hier, lors d’un bref passage a la FNAC , je découvre un ouvrage….tout neuf…signé Vanessa….dont le titre
« l’étudiante » ne m’évoque rien. Je m’accroupie, éblouie incapable de détacher mes yeux de cet ouvrage.
Cinq chapitres, pas un de plus, échappés à la terrible tragédie de cette belle enfant. Le début de
son autre manuscrit, conservé par pudeur par Spingler….et enfin publié. Et là, un positionnement complètement différent, un regard sur le sm corrosif comme de l’acide. C’est le style de Vansessa à n’en pas douter. Dans le monde sm, sa mort reste une légende, comme si son maître avait voulu marquer de son sceau la mort même de cette fragile égérie. Ils se
seraient disputés, elle aurait pris le volant et se serait bêtement accidentée, après une soirée sm.
Dans son livre, c’est une autre version des faits. Elle n’était pas seule, ils étaient 3 à bord, et elle
avait avec elle son précieux manuscrit « l’étudiante ». Il n’y aurait ni sm, ni dispute, mais une route de Provence. Dans l’accident les pages se sont dispersées aux 4 vents à
Montélimar…..Ville où il ne se passe jamais rien, mais où souvent ma vie sm a été, dans ce lieu, à la « croisée des chemins ». Alors, où se trouve la supercherie, où se trouve le mensonge, où se trouve la vérité ?
Dans ces 5 chapitres dévorés à la va-vite, c’est une autre Vanessa que l’on découvre, une femme
superbement belle et incroyablement fragile, extrêmement lucide sur le monde sm.
De ce malaise qui est trop souvent le mien à l’invocation de certaines scènes, j’ai retrouvé chez cette toute
jeune femme, mûrie par ses expériences, le même regard décapant, les mêmes conclusions que celles qui sont les miennes.
Malédiction de femmes trop belles et forcément utilisées et utilisables, comme si le sm au bout du
compte ce n’était que cela, un jeu de miroirs et un jeu de dupes. Et de me poser ces terribles questions, comme si je n’avais
pas eu 10 ans de parcours sm, question qu’un non Initié peu se poser « et si le sm n’était tout compte fait qu’un prétexte pour régler des comptes » et si le sm n’était sur le fond
qu’un alibi…. Elle parle dans l’étudiante de sa
souffrance de femme, de son mal d’amour de son manque d’amour….elle donne son corps mais elle ne partage plus rien. Elle a été enfin au bout d’elle-même, de son manque du père de sa négation de
sa propre identité de sa volonté de s’auto détruire.
Au lieu d’avoir la chance d’avoir trouvé celui qui, peu a peu l’a aidé à se reconstruire, comme c’est le
cas de certaines soumises (qui souvent sont les compagnes, voir les épouses, de leurs maîtres), sa beauté comme la lumière a attiré de drôle de phalènes. N’a-t-elle pas voulu mourir ? N’a-t-elle pas appelé la mort de
toutes ses forces, a lire ces quelques pages, c’est la question que je me suis posée….et sa dernière soirée sm dont le Thème est « Uro –scato, no comment » n’apparaît sûrement pas à la
gloire de celui qui était son maître. Alors bien sur,
on va me rabattre les oreilles de mots comme Dressage ou appartenance ou obéissance….mais je trouve ces mots fades et dénués de sens eut égard à ce qu’elle a vécu, à sa beauté à sa
simple identité de femme….à ces mots je préfère plaisir des sens, identité rayonnante et joie de vivre.
Pathétique, tel est le mot qui me vient a l’esprit
désormais lorsque je vois certaines galeries ou certaines attitudes sm.
Immature, est l’autre mot qui souvent revient face aux comportements de
certains.
A une belle soirée, j’ai vu une très jolie femme pleurer sous la cravache de son maître, petit maître.
Sans raison, punir pour punir, faire mal pour faire mal. Comme un petit coq prétentieux, il m’a regardé, après qu’elle
ait eu un léger malaise, fier de lui.
Il n’a trouvé à mon discours qu’indifférence qui cachait mal un mépris assez courtois, bonne éducation
oblige. « Après 10 ans de sm je n’ai trouvé que vide et non-sens. Aujourd’hui je suis dans une logique de plaisir et je m’en abreuve, je le vis, je le goûte, je le savoure, je suis
vivante »….
Au feu le noir et les costumes sombres, enterrés les fantômes du passé, déchirée ma souffrance, j’ai
transcendé mes chimères pour enfin être vivante, dans la lumière d’un jour naissant, joyeuse et joueuse. L’autre soir, Patrick Bruel à la télé parle de poker, de sa
dépendance au jeu. Il parle de ce vide qu’il y a , à toujours chercher plus, à venir à Las Vegas pour y trouver une forme d’absolu….le mythe
de le trouver et qui, chaque fois qu’on le touche du doigt s’en éloigne…. Le sm est pareil, comme un tonneau des Danaïdes où il n’y a rien et plus loin on pousse le jeu, plus loin on aspire à le pousser jusqu'à se
perdre soi-même, sans même avoir la conscience aigue de s’être perdu….Chemin sans fin et lancinant d’une terre vide de sens où la seule solution, la
seule issue est de s’arrêter, de se poser et de réfléchir.
A l’homme que j’aime, de me dire un jour « tu n’es jamais assouvie, tu n’es jamais repue tu n’es
jamais contente » et de réfléchir à ce pourquoi. Dépendante au sm j’étais, dépendante à l'Internet j’étais….toujours en quête de l’impossible à
trouver, de l’impossible à vivre. Puis la lumière est
entrée…..le plaisir est rentré et j’ai compris étrangement que ce plaisir charnel m’assouvissait, qu’il me nourrissait qu’il me comblait. De choses plus limpides et plus simples je m’abreuve, elles me
nourrissent et j’aime. Vanessa en était là, à ce
même stade. Dans ces pages envolées aux quatre vents, au gré du mistral de Provence, terre natale de mes ancêtres, je suis sure qu’elle allait
vers le Bonheur. Elle aimait une femme, et je suis sûre qu’elle allait arrêter de s’auto-détruire, trouver enfin la paix en elle et l’assouvissement ultime de cette joie d’être
aimée.
On ne guérit pas du masochisme, mais l’amour guérit de tout…..seul l’amour pourra sauver le monde et
Vanessa avait sans doute plus qu’une autre besoin d’être sauvée. Le masochisme, dans sa plus limpide version n’est-il pas le cri ultime, supplique d’amour, quitte à tout mettre dans la balance y
compris sa propre vie ? La seule réponse est
l’amour, amour de soi, amour de l’autre et cela….on ne le trouve que rarement dans le sm….je l’ai trouvé cependant alors….même là, il n’y a pas de vérité absolue….juste une eau qui coule mais
l’eau est avant toute chose la vie.
En mémoire à cette si jolie jeune femme, qui aurait tellement mérité que la vie lui donne le meilleur, parce
qu’elle était capable de tout mettre sur la table et d’aller au bout de ses engagements….Vanessa restera toujours un fantôme muet de ma vie à qui parfois je pense comme une phrase muette,
une plume sur un parchemin à l’encre inachevée de la vie.